Lors de la dernière glaciation (Würm), la vallée de la Creuse a servi de refuge aux chasseurs, aux troupeaux qui ont dû quitter les bordures de l'inlandsis (glacier étendu en forme de calotte sur le Nord de l'Europe) et les montagnes englacées.
La plupart des grottes et abris et de nombreux campements de plein air ont longuement été occupés pendant l'Aurignacien, le Solutréen et les différentes phases du Magdalénien. Ils apparaissent aujourd'hui comme autant de relais entre les sites et les cultures du Bassin parisien, du Massif central, du Poitou et de la Dordogne.
Un affût de chasse solutréen à Fressignes
Un remarquable outillage du Solutréen supérieur, trouvé sur le sol d'un campement aménagé vers 17 000 av. J.-C., à été trouvé au-dessous de Fressignes, sur un replat dominant le défilé ouvert par la Creuse dans les micaschistes et les amphibolites.
La fouille de ce campement solutréen de plein air -le premier exploré de la région- a permis de mettre au jour de nombreux outils en silex et parfois en quartz, seuls éléments conservés dans ce sol acide. Les silex (une vingtaine de sortes) apportés sur ce site proviennent de gisements situés en aval de la vallée de la Creuse, éloignés de quinze, vingt, trente ou même parfois cent kilomètres (Grand-Pressigny).
D'autres, plus rares, proviennent des terrains sédimentaires se trouvant au nord (60 km) ou à l'est (35 km). On notera la variété des outils découverts (pointes à cran, becs, perçoirs, burins,...) et la qualité de la taille dont ils résultent (taille bifaciale, outils en forme de feuille fine et translucide).
L'abri Fritsch à Pouligny-Saint-Pierre
L'abri FritschSitué à quelques kilomètres en aval de la commune du Blanc, cet abri, découvert en 1957 par René Fritsch, contient sur 3 m de hauteur une succession de remplissages d'argile et de blocailles calcaires sur lesquels les chasseurs se sont installés à une dizaine de reprises entre 17 250 et 13 500 av. J.-C.
On a retrouvé dans les niveaux inférieurs un outillage solutréen (feuille de saule, de laurier,...) et sur les autres sols un outillage lithique et osseux très différent attribué aux premiers Magdaléniens. Parmi ces outils, en silex, calcaire ou quartz, on remarquera différentes variétés de grattoirs, des burins sur troncature ou sur encoche et des pièces esquillées.
Ces dernières servaient à fendre le bois (branches, petits troncs) que les burins permettaient de rainurer. Les bois de renne étaient brisés avec un percuteur de pierre et les grandes esquilles étaient façonnées en sagaies larges et aplaties avec des raclettes en silex fixées sur le côté d'un rondin de bois.
Les Solutréens qui occupèrent les couches 10, 9 et 8 de l'abri Fritsch eurent à affronter un froid très rigoureux et une sécheresse importante qui détermina la disparition des arbres de la steppe.
Faisant suite à cette phase de glaciation intense, après un interstade plus tempéré et humide, se succédèrent durant le Würm IV, des phases de froid sec où réapparut la steppe aux arbres rares et des feuillus près de la rivière : noisetier, saule, aulne,...
La fouille de l'abri Fritsch a fourni des éléments extrêmement précis sur le climat, la faune et la flore qui existaient durant la période badegoulienne, datée de 16 030 ± 550 av. J.-C. Les animaux vivant autour de l'abri étaient alors abondants : certains s'adaptèrent au climat rigoureux (aurochs, cheval), beaucoup arrivèrent des zones boréales (renne, renard polaire, glouton, chouette harfang), des toundras sibériennes (lemming, campagnol) ou des montagnes couvertes de glace (bouquetin).
L'homme a remarquablement géré ces ressources naturelles : il a utilisé le renne et le cheval, et quelques grands mammifères pour leur nourriture, et il a eu recours à la fourrure des carnivores pour se protéger du froid. La présence de nombreuses aiguilles à chas sur le site indique l'importance accordée à la couture des vêtements et des couvertures (assemblage du cuir et des peaux).
L'analyse des charbons des foyers a permis d'établir une chronologie absolue cohérente (datation par le radiocarbone) de la plupart des couches d'habitation (17 250 à 13 500 av. J.-C.) et des cycles climatiques.
Les grottes de la Garenne à Saint-Marcel
Les Magdaléniens installés dans les grottes et abris du coteau de la Garenne durant le millénaire suivant perfectionnèrent les techniques de chasse et de pêche.
Vivant dans le même climat rigoureux que les Badegouliens, ils ont poursuivi le même gibier : le renne, le cheval, l'antilope saïga et le loup.
Crâne de loupLe massacre d'aurochs, à coups de merlin sur le frontal, témoigne de l'habileté de ces hommes qui chassaient en groupe et parvenaient à immobiliser puis à abattre d'un coup précis cet animal de grande taille. La disposition d'une douzaine de massacres d'aurochs fait penser à un rituel peut-être en relation avec un culte.
Les armes sont souvent décorées de motifs stylisés, gravés au burin : poissons, décors géométriques, extrémités phalliques. Des objets de parure (coquillages marins, fossiles ou non, pendeloques,...) souvent colorés à l'ocre rouge, et que l'on cousait sur les vêtements de peaux ou de fourrures, sont utilisés, ainsi qu'un nécessaire à couture (aiguilles en os à chas minuscule, poinçons, queue de cheval fournissaient le crin, talons de renne pour les tendons).
L'éclairage indispensable à la réalisation de ces différents travaux était peut-être fourni par les flammes des foyers aménagés à même le sol, et sans doute aussi par des lampes. Celles-ci, très nombreuses, ont été retrouvées sur les lieux mêmes où s'opérait le traitement de matière première (ateliers) ou sur certains rebords rocheux.